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christophe guilluy - Page 2

  • La revue de presse d'un esprit libre... (50)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    Aussi radicales peuvent-elles être, les propositions de Bruno Mégret sont sans doute les seules qui puissent répondre aux défis que nous affrontons, mais qui osera renverser les tables de la loi ? :

    https://www.polemia.com/la-proposition-choc-de-bruno-megret-un-etat-dexception-pour-sauver-la-france/

     
    Analyse des populismes par Ahmet Insel, sociologue franco-turc qui participa dès l’origine aux travaux du Mauss (mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales) : 
     
     
    Un débat intéressant entre deux complices. Éric Zemmour et Michel Onfray échangent leurs arguments à propos de la controverse sur jacobinisme et girondisme, quelle leçon tirer des écrits de Tocqueville, le pape a-t-il laisser choir l’Europe de ses préoccupations ? La réponse à cette dernière question est oui pour chacun d’entre eux qui ne se privent pas d’étriller le pontife François. Pour les deux débatteurs on ne tient plus notre  territoire et nous sommes devenus des proies. Une conviction commune : nous allons droit vers la guerre civile etc… Mais ce qui peut éventuellement deranger dans les propos d’Éric Zemmour c’est sa propension à croire que la France ne fut grande que lorsqu’elle manifestait son impérialisme en s’annexant Hambourg et Milan. Ces aventures finirent en désastre pour la « grande nation », infligeant à son hubris une mémorable leçon qui de toutes évidences n’a pas été retenue par tous :
     
     
    Jean-Marc Jancovici reçu par Pascal Boniface, président de l’IFRI, sur les multiples enjeux de la question climatique. 25 minutes passionnantes:
     
     
    Christophe Guilluy vient de faire paraitre un nouveau livre, Le temps des gens ordinaires (éditions Flammarion). Interrogé à ce propos par la rédaction de Marianne il développe une excellente analyse éclairée par Georges Orwell et Jean-Claude Michéa. Il ne croit plus à l’Union Européenne, ensemble technocratique aux procédures lentes qui ne sait 
    pas répondre aux urgences, comme le démontre sa politique désastreuse en matière de vaccins anti-covid et qui, de plus, poursuit sans coup férir son agenda néo-libéral. Elle se néantise, emportée par la logorrhée de ses abstractions sociétales. Plus fondamentalement il pense que les « gens ordinaires » (une majorité de la population, plus proche du réel 
    par ses activités) ont gagné la bataille idéologique en entrant dans le champ culturel dont ils étaient absents jusqu’à ces dernières années. Mais la lutte, plus coriace, des représentations est loin d’être achevée, nous dit-il : 
     
     
    Portrait d’Andréa Kotarac. Kotarac s’exprime durant 80 minutes sur son parcours politique de la France Insoumise au Rassemblement National. De ses ancêtres serbo-croates jusqu’à sa collaboration avec Hervé Juvin il s’explique longuement dans une série qu’il inaugure pour la revue Éléments. Dans ses commentaires il y a de nombreux points communs avec les réflexions de Christophe Guilluy (ci-dessus). Une convergence des luttes est-elle possible ? :
     
     
    Alain Juillet, ancien directeur du renseignement de la DGSE et spécialiste en intelligence économique s’exprime sur la géopolitique des vaccins qui a montré le fiasco de l’Union Européenne et de la France en particulier. L’obsession pour les grands laboratoires pharmaceutiques de faire gagner le plus d’argent possible à leurs actionnaires explique les délocalisations de leur appareil productif et le quasi-abandon de leur recherche. La patrie de Pasteur en est ainsi réduite à quémander fébrilement  des doses de vaccins qu’elle n’a ni conçus ni même négociés, léguant le pouvoir commercial aux instances bruxelloises cornaquées par l’Allemagne. Alain Juillet dresse un panorama plutôt sombre d’un avenir dessinant une nette séparation entre pays résilients car souverains et nations qui acceptent leur impuissance au nom d’un libéralisme mondialisé :
     
     
    Dans un livre qui vient de paraitre intitulé Pour répondre aux « Décoloniaux » aux Islamo-gauchistes et aux Terroristes de la RepentanceBernard Lugan utilise la manière forte et assène au gourdin quelques vérités bénéfiques que les esprits arthritiques happés par l’épidémie de nouillerie politiquement correct n’entendront pas sans pousser de hauts cris d’effroi. Ici son entretien avec Breizh-info :
     
     
    Bernard Lugan récidive; cette fois sur un tout autre sujet : le rôle de l’armée française au Mali. Il explique que conseillés par l’université française qui ne veut pas entendre parler d’ethnies en Afrique nos dirigeants se trompent sur les trois guerres que nous menons la bas. Il propose dans un souci de réalisme de changer notre fusil d’épaule et de contraindre le gouvernement malien à reconnaitre au moins une large autonomie aux Touaregs du nord pour s’occuper de nos véritables ennemis, l’Etat islamique qui prospère dans la région des trois frontières. Excellent exposé : 
     
     
    Fusillade dans le Colorado (10 morts). L’événement a été repris par toute la presse nationale à la suite du fake news de l’Agence France Presse qui signalait que le responsable de cette tuerie était un « blanc ». Sauf que dans la réalité le blanc s’appelle Ahmad Al-Issa et qu’il est syrien. Depuis les médias se taisent. Le démenti, comme d’habitude viendra trop tard et n’occupera qu’une faible partie de l’info. Sans doute ne faisait-il plus la une par crainte que des esprits mal intentionnés ne pratiquent l'amalgame ! 
    L’année dernière en revanche le meurtre a Charlottesville d’une seule personne par un « suprémaciste blanc » avait déclenché des tonnes de commentaires et d’éditoriaux dans les médias occidentaux. Peut-on parler du deux poids deux mesures d’un antiracisme devenu fou ? :
     
     
    Ci-dessous un texte approprié à cette même tuerie. Il est signé de Jonathan Sturel et insiste sur la névrose qui s’est emparée de nombreux blancs américains :
    " La tuerie de Boulder est pleine d'enseignements.
    Quelques recherches sur ce fameux comté de Boulder dans le Colorado, où dix Blancs viennent d'être massacrés par un syrien anti-Trump et pro-Daesh. Le comté en question est un repère de bourgeois démocrates : le prix de l'immobilier y est très supérieur à la moyenne américaine et c'est politiquement un bastion démocrate. D'ailleurs, ils ont récemment voté pour Biden à... 77%.
    Sur le site officiel du comté, on fait la promotion de l'inclusivité, de l'antiracisme, de l'esprit woke : il y a même une politique de promotion et d'augmentation de la visibilité des LGBT. Boulder, c'est Paris : des bourgeois blancs qui votent comme des gauchistes pour des équipes qui promeuvent ensuite les trans et les migrants.
    Et puis paf, la tuile : un syrien anti-Trump vient rappeler à Boulder que la vie n'est pas un épisode de South Park. L'ironie, c'est que le tueur partageait avec ses victimes le même rejet de Trump. Peut-être qu'ils se sont croisés au dépouillement et ont fêté ensemble la défaite du grand méchant Blond. D'une certaine manière, cette tuerie c'est un règlement de compte familial.
    Et bien entendu, ces fous dirigeront le débat sur la question des armes, jamais sur celle de l'affaissement des défenses occidentales, du migrantisme, du multiculturalisme et de la guerre discrète que livrent au monde occidental les armées révoltées d'un tiers-monde chauffé à blanc par le discours pousse-au-crime des gauchistes fous."
    Jonathan Sturel
     
    L’OJIM traite également de cette affaire exemplaire et de son narratif sous un titre d’une grande limpidité : « Les médias de grand chemin mentent ». Vraiment surprenant ! De nombreux médias ont usé par le passé de fables diverses selon leur engagement politique ou économique. Ce qui caractérise le monde médiatique d’aujourd'hui c’est son 
    uniformité dans la désinformation qui s’opère toujours au nom du camp du Bien. Ce qui autorise à parler d’un « parti des médias » qui s’emploie à manipuler l’opinion publique et entraine par la même une défiance grandissante vis à vis de ce qui s’y raconte. La perte en chiffre d’affaire générée par cette duperie doit alors être compensée par des aides gouvernementales qui s’accroissent chaque année :
     
     
    D’où le succès des chaînes d’information alternatives dont l’audience est en progrès constant comme le montre cet autre article de l’OJIM :
     
     
    Le journaliste Pierre Plottu est une icône de l’antifascisme militant et un spécialiste de l’architecture des fausses fenêtres. Non content de poursuivre des fantômes, il en invente presque chaque jour de nouveaux mais omet d’en mentionner d’autres bien réels ceux là. Portrait de cet authentique semeur de haine par l’OJIM :
     
     
    Marion Maréchal invitée de Frédéric Taddeï sur RT France sur le thème « de la politique à la métapolitique » a développé intelligemment durant une heure les raisons de son engagement. Il en ressort le portrait d’une jeune femme plus complexe que ne le laisse penser sa réduction à l’étiquette « identitaire-libérale » à laquelle on a trop tendance à la réduire :
     
     
    Dans l’émission Répliques du 20 mars 2021 Alain Finkielkaut recevait Eugénie Bastié et Jean Birnbaum. Ce dernier y déclare « …cette ambiance de pré-guerre civile où tout esprit critique est rabattu sur de la malveillance, de l’attaque, de l’agressivité, et je pense qu’en partie il y a de la peur, de la peur presque physique, on sent bien que quelque chose de très dur se déploie à l’échelle du monde, on sent bien que ça va barder. J’aime cette formule de Bernanos, écrivain chrétien : « Notre monde est prêt pour toutes sortes de cruautés ». Singulière affirmation de la part du responsable idées du Monde. Le thème de l’émission pose la question « Y a-t-il place pour le nuance dans la France aujourd’hui ? » Et serait-on tentés de s’interroger : y a-t-il place pour la moindre tentative de débat, c’est à dire de controverse civilisée ? :
     
     
    Dans une lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer Jean-Paul Brighelli lui notifie qu’il serait temps d’interdire l’UNEF au prétexte qu’elle organise des réunions dont elle interdit la présence aux non-racisés, c’est à dire aux blancs. Cela fait effectivement désordre dans une République qui non contente de ne pas reconnaitre l’existence de races poursuit de ses flèches toute parole ou action supposée « raciste ». Dans la même missive Brighelli reconnait, un peu présomptueusement, que le syndicat étudiant ne représente rien, sinon sa propre personne. Dans ces conditions à quoi bon l’interdire ? Sans doute suffirait-il de lui couper les vivres qu’il continue de recevoir en abondance de diverses institutions qui se prétendent républicaines. Brighelli plus sérieusement constate que l’UNEF est devenue une annexe du Parti des Indigènes de la République dont il propose également l’interdiction. Tout à sa logique républicaine il ne semble pas s’apercevoir que toutes ces sensibilités sont justement nées des lois de cette République manipulées par le Conseil d’État et autres juridictions, à commencer par la loi Pleven de 1972, qui ont donné à des associations, elles aussi dépendantes de l’aide publique et qu’il faudrait assécher, la possibilité d’arnaquer légalement les opposants raisonnables à une immigration devenue sacro-sainte en même temps qu’elle devenait pléthorique. L’interdiction faite aux autochtones de la contester n’est elle pas scandaleuse ? N’est-il pas révoltant de convertir en délit de simples opinions et d’encourager leur poursuite par de véritables chasse aux sorcières ? N’est-ce pas une privatisation de l’esprit public au bénéfice de quelques-uns ? Non à l’interdiction de l’UNEF mais non également à celle de Génération Identitaire, telle serait une véritable législation « libérale ». Nous en sommes loin :
     
     
    Yves Thréard éditorialiste au Figaro sur l’évolution du discours de l’UNEF, la couveuse du parti socialiste où se sont formés la plupart de ses dirigeants :
     
     
    Information. L’excellent site de l’OJIM migre son site outre-atlantique de manière à se protéger des attaques liberticides : 
     
     
    Réponse goguenarde de Poutine, grand seigneur, à Biden après que celui-ci l’a traité de « tueur », une pratique sidérante et digne d’un psychopathe dans le cadre des relations internationales. Quitte à décevoir l’ensemble du monde politico-médiatique français posons nous la question de savoir quelle est le résultat de cette véritable provocation de la nouvelle administration US sinon d'avoir poussé un peu plus la Russie et la Chine dans les bras l’une de l'autre :
     
     
    Selon le général Vincent Desportes « plus le parapluie américain est une chimère, plus les Européens s’y accrochent ». Cette déploration trouve sa logique dans le fait que les Américains qui décident des grandes orientations de l’Alliance Atlantique ont choisi comme au temps de la guerre froide un ennemi prioritaire : la Russie. Une Europe totalement vassalisée, véritable caniche des intérêts américains suit sans se poser la moindre question. Bonne analyse d’Alain de Benoist :
     
     
    Le Cercle de Réflexion Interarmées répond à l’OTAN et s’étonne de la désignation de la Russie comme ennemi principal :
     
     
    Il se trouve que justement le dernier numéro d’I-Media s’attache longuement au dirigeant en titre de l’Empire, Joe Biden le trébucheur. Jean-Yves Le Gallou et Nicolas Faure le décrivent à juste titre comme pratiquement sénile. Mais l’on sait bien que ce n’est pas lui qui dirige les États Unis d’Amérique (et la diplomatie géo-stratégique des États européens, hélas) :
     
     
    Roland Pietrini réalise une bonne synthèse sur la chimère que poursuit Macron au risque de brader notre industrie de défense. Ici la chimère a nom « Europe de la défense » projet sans cesse déjouée par une Allemagne qui a irrémédiablement choisi d’être serve de l’OTAN et donc des États Unis :
     
     
    Y a-t-il un nomos du beau ? Réponse par Jure Georges Vujic :
     
     
    Remarquable mise au point généalogique de la folie « woke » et décoloniale par le sociologue Philippe d’Iribarne. Selon lui elle doit tout à l’occident et à l’évolution de sa pensée dominante grosse de dérives inattendues :
    " Que nous réserve l’avenir ? On peut douter que cet affrontement idéologique soit moins pérenne que celui qui s’est noué autour du rêve communiste.
    Un retour au réel impliquerait que ce qui relève d’une fausse science soit scruté avec la même rigueur que celle qui est déployée quand il s’agit d’impostures scientifiques au service d’intérêts privés. Mais cette rigueur ne paraît pas pour demain. Et qui est prêt à admettre que la folie « woke » est un enfant monstrueux de promesses radicales propres à l’Occident, promesses impossibles à tenir à l’échelle d’une ou deux générations et qui méritent d’être reconsidérées avec plus de réalisme ? "
     
     
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  • Christophe Guilluy et le temps des gens ordinaires...

    Le 26 novembre 2020, dans son émission « Interdit d'interdire », sur RT France, Frédéric Taddeï recevait Christophe Guilluy pour évoquer son essai Le temps des gens ordinaires (Flammarion, 2020). Géographe, Christophe Guilluy est l'auteur d'essais importants et très commentés, Fractures françaises (Flammarion, 2010), La France périphérique (Flammarion, 2014), Le crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016) et No society (Flammarion, 2018).

     

                                         

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  • Le temps des gens ordinaires ?...

    Les éditions Flammarion viennent de publier un essai de Christophe Guilluy intitulé Le temps des gens ordinaires. Géographe, Christophe Guilluy est l'auteur d'essais importants et très commentés, Fractures françaises (Flammarion, 2010), La France périphérique (Flammarion, 2014), Le crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016) et No society (Flammarion, 2018).

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    " A la une du New York Times habillés d'un gilet jaune, poursuivis par les journalistes britanniques à l'occasion du Brexit, fêtés comme des héros pendant la crise sanitaire, redevenus des sujets d'études pour les chercheurs, de nouvelles cibles du marketing électoral pour les partis, les gens ordinaires sont de retour. Les " classes populaires ", le " peuple ", les " petites gens " sont subitement passés de l'ombre à la lumière. Les " déplorables " sont devenus des " héros ". Cette renaissance déborde désormais des cadres du social et du politique pour atteindre le champ culturel. De Hollywood aux rayons des librairies, la culture populaire gagne du terrain. Ses valeurs traditionnelles, - l'attachement à un territoire et à la nation, la solidarité et la préservation d'un capital culturel - imprègnent tous les milieux populaires. Jack London usait d'une métaphore pour décrire la société de son temps : la cave et le rez-de-chaussée pour les plus modestes, le salon et les étages supérieurs pour les autres. Et si, aujourd'hui, plus personne ne voulait s'inviter au salon ? Sommes-nous entrés dans le temps des gens ordinaires ? "

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  • « No Society » : le constat implacable de Christophe Guilluy...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Grégoire Gambier consacré aux positions défendues par le géographe Christophe Guilluy dans son livre No Society (Flammarion, 2018) et cueilli sur Polémia. Grégoire Gambier est délégué général de l'Institut Iliade.

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    « No Society » : le constat implacable de Christophe Guilluy

    L’édition en format poche de No Society – La fin de la classe moyenne occidentale, enrichie d’un avant-propos consacré au phénomène des Gilets jaunes, est l’une des lectures les plus indispensables du moment. Le géographe Christophe Guilluy y propose une forme de synthèse de ses analyses, bien moins manichéennes que ne le voudraient ses détracteurs. Cet ouvrage constitue sans conteste l’un des livres de chevet de tout responsable « populiste » ayant à cœur d’offrir une perspective politique victorieuse au « Bloc populaire ».

    Partant de la fameuse formule de Margaret Thatcher en octobre 1987, « There is no society », qui entendait ainsi justifier le bien fondé de ses réformes libérales, Christophe Guilluy déroule une analyse que l’on pourrait résumer en quelques points saillants :

    • Ce message libéral donc par essence apolitique, porté par une vision mondialiste devenue idéologie, dont la portée s’est accélérée après la chute du Mur de Berlin et la disparition du bloc soviétique, a été entendu par l’ensemble des classes dominantes occidentales.
    • Sa conséquence immédiate ? La « grande sécession du monde d’en haut »d’avec ses peuples et ses pays originels, qu’avait analysé dès 1995 Christopher Lasch dans La Révolte des élites et la trahison de la démocratie(Champs Flammarion, 2010) et que rappelle très bien le président de TV Libertés Philippe Milliau dans son message du nouvel an 2020.
    • Les conséquences concrètes que nous subissons aujourd’hui, après trente ans de nouvelle « trahison des élites », sont l’abandon du bien commun et l’avènement du chaos de la « société relative » caractéristiques des pays occidentaux – « la réalité d’une société désormais travaillée par des tensions ethno-raciales qui rappellent en tout point celles de la société américaine ».
    • « La rupture du lien, y compris conflictuel, entre le haut et le bas, nous a fait basculer dans l’a-société. No more society.» Le sacrifice volontaire, sur l’autel de la mondialisation, des classes moyennes autrefois matrices des sociétés occidentales, a débouché sur la prolétarisation, l’atomisation et finalement la désespérance du « bloc central » constitué du peuple au travail – l’échec du mouvement des Gilets jaunes ne pouvant qu’accentuer cette désespérance sociale, avec des risques évidents pour le maintien de toute « paix civile ».

    Dès lors, comment « refaire société » – c’est-à-dire en réalité refaire un peuple, avec un territoire, des coutumes et des lois qu’il aurait en propre ? C’est à cette réhabilitation du politique qu’appelle Guilluy, avec la pertinence qu’impose la tournure des événements, légitimant en grande partie ses analyses antérieures (notamment dans La France périphérique en 2014 et Le crépuscule de la France d'en haut en 2016), malgré les limites de quelques-unes de ses références par trop crypto-chevènementistes.

    Phénoménologie de la « société ouverte »

    La partie principale de l’ouvrage de Christophe Guilluy est relative au constat de la société produite par l’avènement de l’idéologie multiculturaliste et « diversitaire » (cf. Mathieu-Bock Côté, Le multiculturalisme comme religion politique, Les éditions du Cerf, 2016). Idéologiquement progressiste, multiculturelle et techno-marchande, la « France d’en haut » a promu cette forme de post-démocratie (car réalisée sans le consentement du peuple souverain, et en lui retirant l’essentiel de ses prérogatives politiques, avant de le faire disparaître économiquement puis socialement), avec d’autant plus d’entrain qu’elle a su se préserver des externalités négatives d’un tel « modèle » (ghettos ethniques, effondrement du système éducatif, chômage structurel et massif, explosion de la criminalité de rue, etc.). Et ce, en utilisant cyniquement le lumpenprolétariat immigré à son profit :

    • pour répondre à ses besoins de services dans les métropoles constituant ses lieux de vie privilégiés (ménage, cuisine, garde d’enfants, transports, traitement et recyclage des déchets, etc.) ;
    • mais aussi pour contenir voire délégitimer les revendications salariales ou simplement sociales de l’ancienne « working class » autochtone, accusée au moindre prétexte de racisme, pour ne pas dire de bêtise crasse (les « déplorables » dénoncés par Hillary Clinton en visant les électeurs de son opposant républicain en 2016) – technique permettant « le verrouillage du débat public » afin d’écraser dans l’œuf toute velléité de révolte.

    Ce que décrit Guilluy, c’est « le repli d’une bourgeoisie asociale » : « En réalité, la société ouverte et mondialisée est bien celle du repli du monde d’en haut sur ses bastions, ses emplois, ses richesses. Abritée dans ses citadelles, la bourgeoisie ‘progressiste’ du XXIe siècle a mis le peuple à distance et n’entend plus prendre en charge ses besoins. L’objectif est désormais de jouir des bienfaits de la mondialisation sans contraintes nationales, sociales, fiscales, culturelles…. Et peut-être, demain, biologiques » [en pariant sur la révolution de l’intelligence artificielle et le transhumanisme].

    Une nouvelle lutte des classes ?

    A l’impasse que constitue cette « a-société » par nature centrifuge, quand elle n’est pas sécessionniste, répond le besoin de « commun » d’un peuple certes relégué aux marges géographiques, culturelles et économiques de la société, mais toujours majoritaire : la « France périphérique » représenterait 60 % de la population, constituant « un socle populaire irrépressible ». Mieux, toujours selon Christophe Guilluy, cette population majoritaire se penserait encore, malgré sa prolétarisation accélérée, comme « référent culturel » d’une France qui ne voudrait pas mourir, car disposant d’un socle de valeurs cohérent et fédérateur :

    • La nécessité de préserver le cadre national « qui conditionne la défense du bien commun » et qui comprend celle des services publics ;
    • L’attachement à « la réalité d’un monde populaire sédentaire beaucoup plus durable » que le « mythe de l’hyper-mobilité » ;
    • « La préservation d’un capital culturel protecteur [face] à la construction d’un monde de l’indistinction culturelle » ;
    • Et finalement, mais de façon très concrète et palpable, le refus instinctif de l’invasion migratoire, qui déstabilise la société populaire et en modifie les contours ethniques comme les attaches culturelles.

    Même s’il s’en défend, Guilluy voit ainsi se dessiner une nouvelle lutte des classes entre les « gagnants » et les « perdants » de la mondialisation, les premiers constituant « une bourgeoisie dont le seul objectif est de maintenir sa position de classe » et les seconds regroupant ceux « qui adhèrent de moins en moins à la doxa de la société ouverte » – mais qui bénéficieraient aujourd’hui d’un mouvement de balancier favorable.

    L’analyse est d’autant plus convaincante qu’elle rejoint les dichotomies mises à jour aussi bien par David Goodhart entre « Anywhere » et « Somewhere » (The Road to Somewhere : The Populiste Revolt and the Future of Politics, 2018), par Michel Geoffroy entre « super-classe mondiale » et « peuples » (La super-classe mondiale contre les peuples, Via Romana 2018), par Jérôme Sainte-Marie entre « bloc élitaire » et « bloc populaire » (Bloc contre bloc : La dynamique du Macronisme, Les éditions du Cerf 2019), ou encore très récemment par Michel Onfray entre « ceux qui exercent le pouvoir » et « ceux sur lesquels s’exerce le pouvoir » (La Grandeur du petit peuple, Albin Michel 2020).

    Eviter le spectre de la « guerre civile »

    Pour Guilluy, « les classes dominantes ont créé les conditions de leur impuissance à réguler, à protéger (…) par une dépendance accrue au système bancaire et aux normes supranationales du modèle mondialisé ». Mais ce faisant, elles se sont engagées dans une « fuite en avant économique » qui les condamne à terme. « La réalité est qu’aujourd’hui la classe dominante cherche moins à préserver la société qu’à gagner du temps (y compris en refusant ou en freinant l’application des résultats des urnes – du référendum européen de 2005 aux élections italiennes de 2018 en passant par le Brexit). » Or le vent tourne : « Croire que le mouvement des Gilets jaunes ou celui des brexiters n’est qu’un phénomène conjoncturel est une absurdité. C’est au contraire le produit d’une recomposition sociale de temps long, qui fait émerger une nouvelle polarisation politique », qui dépasse évidemment le vieux clivage institutionnel droite-gauche. Et ce, au moment même où « la posture morale du monde d’en haut a vécu » : « Le monde politique, académique ou médiatique ânonne les versets de la doxa dominante mais n’a plus qu’une influence culturelle marginale sur le monde d’en bas. »

    En annonçant « la fin du magistère des prétentieux », qui contraindra ces derniers à rejoindre le monde réel ou à disparaître, Christophe Guilluy se montre à la fois optimiste et volontariste. Pour conjurer l’accentuation des fractures sociales, voire un risque de « guerre civile » largement mis en scène et instrumentalisé par le pouvoir, il mise en effet sur la réconciliation de la France d’en haut avec le « môle populaire », en prenant acte de la concomitance de deux « victoires »:

    • Victoire technique, liée à l’essoufflement du modèle économique et sociétal actuel : « L’heure est au développement durable, à la relocalisation des activités, à la baisse de la mobilité, ni par idéologie ni par passéisme, mais simplement parce que les contraintes économiques, écologiques et sociales nous l’imposent » ;
    • Victoire idéologique : confrontés de surcroît à la perte de leur hégémonie politique et culturelle, les « Anywhere » doivent « reprendre le chemin de l’Histoire », celui d’une réintégration démocratique par réconciliation avec les « Somewhere » – « Aidons-les à réintégrer la communauté nationale ! » plaide ainsi Guilluy.

    Tout « populisme » a besoin d’une élite

    Pour atteindre cet objectif, Guilluy ne mise pas seulement sur la bonne volonté du « bloc élitaire ». Il a bien conscience qu’il faut que le « bloc populaire » dispose de sa propre élite, apte à engager un rapport de force qui lui serait favorable : « Aucun processus [révolutionnaire] ne peut émerger sans l’engagement d’une fraction des élites ou de la bourgeoisie en faveur des plus modestes, et donc une volonté de préserver le bien commun ». Dit autrement : « Pas de mouvement de masse, pas de révolution sans alliance de classes ! »

    Cette élite doit notamment garantir la réintégration du « bloc populaire » dans les circuits économiques : « On ne peut prétendre au respect et encore moins à un statut de référent culturel ni à aucun pouvoir politique sans intégration économique ». Ce que les auteurs de la postface au « manuel de guérilla culturelle » publié récemment à La Nouvelle Librairie par François Bousquet (Courage !, 2019), affirment également sans ambiguïté : « L’économie, la bonne économie qui réalise et qui crée, est au fondement, aussi, au même titre que la génétique et la culture, de notre identité européenne. […] Rêvons à un réinvestissement de l’économie par nos forces vives. […] Nous devons lever des armées de chefs d’entreprise soudés et enracinés. »

    Le récent Dictionnaire des populismes (éditions du Cerf, 2019) réalisé sous la direction de Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin, ne fait pas l’impasse sur ce sujet. Dans un article consacré à l’élitisme, Alexandre Avril s’oppose à l’opposition entre celui-ci et le populisme : « Cette vision simpliste et antagoniste des choses n’est pas celle de la théorie politique classique, qui voit plutôt dans la dualité organique du peuple et de l’élite une division fonctionnelle et non pas concurrentielle ». Et de préciser que « le populisme peut être entendu non comme une simple critique anti-élitiste mais au contraire, comme l’aspiration à restaurer les principes et la fonction classiques de l’élite : celle de former le petit nombre des plus vertueux, qui sont aussi les plus aptes à gouverner et à conduire le peuple dont ils sont indissociables ».

    « Même le populisme a besoin d’un élite », rappelle aussi Pascal Gauchon dans le dernier numéro de la revue Conflits (n°25, janvier-février 2020, « Les yoyos du populisme », p. 70-71) : « Le vrai problème des populistes est leur rapport aux élites. En se contentant de les dénoncer, ils mobilisent, mais se privent de leurs réseaux et de leur savoir-faire ». Car si la preuve a été faite que les populistes peuvent accéder au pouvoir, au moins dans le cadre de coalitions s’agissant du continent européen, « peuvent-ils y rester et agir ? »

    C’est sans doute l’enjeu principal des mois et années à venir. Et ce n’est pas le moindre des intérêts de No Society que de ne pas faire l’impasse sur un sujet aussi essentiel. Car de la capacité du « bloc populaire » à se doter d’une élite, politique, intellectuelle et économique, dépend directement ses perspectives de pouvoir.

    Grégoire Gambier (Polémia, 14 janvier 2020)

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  • Gilets jaunes, plus d’un an après...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré au mouvement des Gilets jaunes plus d'un après sa naissance. Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015), Fake news - La grande peur (VA Press, 2018), Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019) avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, et dernièrement L'art de la guerre idéologique (Cerf, 2019).

     

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    Gilets jaunes, plus d’un an après

    Qui a-t-il eu de plus paradoxal dans le mouvement des Gilets jaunes ? Qu’il soit né il y a plus d’un an de façon spontanée (une dame met une pétition en ligne, une seconde se plaint de la fiscalité en vidéo, un camionneur pose un gilet sur son pare-brise, et voila le pays en émoi) ? Que des gens, qui, souvent, n’avaient jamais manifesté de leur vie continuent à se mobiliser pour soixante samedi ou plus ? Ou que plus d’un an après le premier acte, il soit tout aussi difficile d’en prédire les développements ?

    Peu de gens parieraient sur le renouveau du mouvement, beaucoup sur son usure (même s’il y a encore des manifestations en janvier 2020).
    D’autres facteurs peuvent changer la donne. L’un est le hasard de la violence : il y a déjà eu des morts accidentelles, des yeux crevés côté Gilets jaunes, des scènes de guérilla... Mais tout rentrait dans l’ordre la semaine suivante. L’hypothèse qu’il y ait un jour un martyr, d’un côté ou de l’autre, et que cela serve de déclencheur n’est pas à exclure. De même, difficile de spéculer sur les rapports à venir les gilets jaunes avec des grèves et manifestations autour d’autres thèmes : convergence des luttes, ou fin de la parenthèse brouillonne et populiste ? Éventuellement au profit des mouvements hiérarchisés, organisés, avec lesquels on peut négocier. Mais le relais des Gilets jaunes par les syndicats hostiles à la réforme des retraites n’empêche ni la violence physique dans les manifestations, ni la violence symbolique (jets de robes ou de blouses, boycott, intrusions dans un théâtre ou un local syndical, etc.), certes mineures, mais répétitives.

    Tout fut surprenant dans le mouvement Gilet jaune sans chefs ni porte-paroles incontestés, sans représentation politique ni perspectives électorales crédibles, sans idéologie structurée, sans organisation de forme traditionnelle, sans références aux formes usuelles de protestation et presque sans alliés... Mais capable de se coordonner sur les réseaux sociaux, d’inventer de nouvelles formes de spectacularité (à commencer par le fameux gilet), de pratiquer la démocratie directe, de rassembler des couches sociales isolées, de faire trembler le gouvernement, d’obtenir en une soirée - par le discours présidentiel du 16 décembre - presque 17 milliards sans renoncer, d’inspirer des pratiques à Hong Kong ou Barcelone... Les références historiques souvent évoquées, jacqueries, 1789,1848,1968, Bonnets rouges ou autres ne nous éclairent guère.

    Rapports de force, rapports de croyance

    Le mouvement s’est développé sur la base de revendications matérielles, voire matérialistes : prix de l’essence, fiscalité, niveau de vie. Ce sont les reflet de conditions bien repérées. Il n’a donc pas manqué d’explications sociologiques qu’il serait trop long de résumer ici. Christophe Guilluy a parlé d’une France périphérique : son éloignement géographie des grandes métropoles bénéficiant de la mondialisation provoquerait un éloignement social et culturel, donc politique. D. Goodhart ne dit pas quelque chose de très différent, lorsqu’il décrit une Grande-Bretagne du Brexit fractionnée entre les Quelque-Part et les Partout (les somewhere et les everywhere), grosso modo ceux qui, mobiles, diplômés, plutôt prospères, profitent de l’ouverture et de la mondialisation contre les enracinés qui ont à y perdre. Jérôme Sainte-Marie oppose plutôt un bloc élitaire à un bloc populaire. Pour Jérôme Fourquet nous risquons plutôt le délitement d’une société d’archipels. D’autres analystes du populisme parleront de facteurs psychologiques comme le manque de confiance de ceux d’en bas envers les élites, les médiations ou même leurs simples voisins...

    Que l’on choisisse des critères géographiques, économiques, culturels, éducationnels, identitaires, que l’on parle de perdants, de pessimisme, de nouvelles classes en déshérence ..., cela ramène toujours sur l’idée d’une fracture verticale. Elle explique aussi largement le vote anti-système - qu’il se dirige vers le Rassemblement National, la France Insoumise ou l’abstention -. Difficile de douter de la corrélation sociologique entre tous ces facteurs et l’engagement pour les Gilets jaunes. Le rapport objectif avec un niveau de vie ou de diplôme, l’assignation à un territoire ou le recul des perspectives d’évolution sociale, les conditions quotidiennes, etc., ne se résume pas à des simplifications de type prolo versus bobo : la conscience d’être invisibles ou condamnés à regarder passer l’ascenseur social ne jouent pas moins. L’expression de soi, notamment le besoin de se raconter, de s’identifier à un peuple exploité mais uni, voire de raconter les misères du quotidien pendant les rassemblera joue un rôle indéniable dans les manifestations.

    Une telle situation ne se comprend pas sans la rapporter à son expression politique. Celle-ci se manifeste dans la répétition du « nous sommes le peuple » et dans une méfiance envers toute forme de représentation, à commencer par la classe politique. Elle débouche vite sur une revendication de démocratie directe avec le référendum d’initiative citoyenne. Si le populisme est compris comme la revendication d’une légitimité directe et un appel au salut de ce peuple, le mouvement est incontestablement populiste, mais hors repères et évolutif.

    À leurs débuts, les Gilets jaunes ont subi les accusations rituelles (parallèlement à l’hostilité des syndicats et partis de gauche, d’abord paniqués par cette concurrence suspecte) : extrême-droite, homophobes, racistes, etc. Dans un pays où presque un tiers des électeurs vote Marine Le Pen et où le RN s’appuie les catégories, ouvriers, employés, petite bourgeoisie, également surreprésentées dans le mouvement, il n’est pas statistiquement aberrant qu’il y ait eu des manifestants très à droite. Et il n’est pas surprenant non plus que des caméras aient pu enregistrer des injures sexistes que l’on entendrait au bistrot.

    Mais la thèse d’une infiltration par l’extrême-droite n’est guère convaincante et les arguments censés l’établir (drapeaux à fleurs de lys ou à croix celtique, manifestant filmé qui aurait fait « heil Hitler », chemises brunes sous gilets jaunes...) se sont révélés souvent des fake news ou des interprétations délirantes d’images pourtant claires. Le gauchissement progressif du mouvement -notable dans les slogans, les revendications, le positionnement de certains représentants,... - n’est pas pour autant le résultat d’un complot ou d’une infiltration sophistiqué : il est plus vraisemblable que le vide - programmatique, ou manque de pratique des mouvements collectifs - a été rempli par ce qui était disponible.
    S’ajoute l’action violente des black blocs et le débat sur ses finalités et sur la façon dont elle est tolérée, provoquée ou exploitée. Finalement, le mouvement Gilet jaune doit moins être compris selon les catégories classiques droite/gauche, que par la rupture stratégique qu’il représente dans le mouvement social : occupation emblématique des carrefours, rituels des déambulations à Paris, utilisation des médias sociaux, etc...

    Le conflit des symboles

    La dimension la plus significative est sans doute symbolique. À travers la question de l’identité proclamée, pour commencer. Dans la fraternisation des carrefours ou dans les rues, ensuite où le « nous le peuple » a exprimé la fureur envers les élites ; pour ne prendre qu’un exemple, voir l’hostilité aux médias « classiques », soupçonnés d’être au service des riches et des dominants, de nier la souffrance de ceux d’en bas et la situation réelle, de discréditer le mouvement avec des accusations de violence et anti-républicanisme. Le thème de l’arrogance des dirigeants, des riches et des oligarques renforce le sentiment d’être trompés par des représentations biaisées. S’ajoute la protestation presque existentielle contre une vie sans perspective, la fierté d’être ensemble et de ne pas céder. L’hostilité envers la personne de Macron, incarnant une classe et un style politiques et dont on ressassait les marques de mépris, en est le complément logique.

    Enfin, tout acteur historique est déterminé par ceux à qui il s’oppose, par ses adversaires. Avec le recul, et sans parler de l’ampleur de la répression, on reste surpris par les réactions des élites (y compris des médias, du show business, etc.). La désignation de l’hydre populiste - avec appel à lutte contre les phobies, l’antisémitisme, la haine, l’émeute, le refus des valeurs, l’ochlocratie etc.- a été proportionnelle à la panique éprouvée. Pour une bourgeoisie plus traditionnelle qui (voir les élections européennes) ne demande parfois qu’à redevenir le parti de l’ordre, comme pour les libéraux libertaires ou ouverts « progressistes ». Ces dernières sont habituées à penser selon le schéma : ouverture menacée par le populisme d’en bas (dû la désinformation des foules et à leur propension aux « fantasmes » et complotismes). Ces élites n’ont souvent pas été les moins virulentes, au point de faire ressembler par moment le conflit à un affrontement idéologique entre partisans apeurés du monde tel qu’il est - libéralisme, ouverture, Europe, technologie, individualisme. - et les perdants en colère.

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  • Un bloc populaire socialement dominé mais démocratiquement majoritaire...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il revient sur les observations de Jérôme Sainte-Marie concernant la polarisation de la vie politique française. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Socialement dominé, le bloc populaire est aujourd’hui démocratiquement majoritaire »

    Warren Buffett, le milliardaire américain qu’on sait, a un jour déclaré en substance : « Bien sûr que la lutte des classes existe, la preuve en est que c’est la mienne qui l’a gagnée ! » Cette notion de « lutte des classes » ne saurait évidemment tout expliquer, mais il n’en est pas moins vrai qu’elle a été longtemps évacuée du débat médiatique. Ne serait-il pas opportun de la remettre à l’honneur ?

    Il ne s’agit pas de la remettre à l’honneur, mais d’en faire le constat. Warren Buffett a au moins le mérite de la franchise, car habituellement, c’est quand la lutte des classes bat son plein qu’on en parle le moins. Plus on monte dans l’échelle sociale, plus l’on feint de croire à la possibilité de « réconcilier les classes sociales » : c’est la façon ordinaire qu’ont les riches et les puissants de tenter de désarmer ou d’invisibiliser les « classes dangereuses ». Mais chez Buffett, on voit bien aussi que l’arrogance naïve le dispute au mépris de classe. Je réponds donc à votre question : oui, la lutte des classes est sans doute ce qui caractérise le mieux la situation actuelle dans notre pays. Dans son dernier livre (Bloc contre bloc. La dynamisme du macronisme, Cerf), qu’il faut lire en parallèle avec les travaux de Christophe Guilluy, Jérôme Sainte-Marie, excellent observateur de la vie politique française, le souligne avec force : « La cohérence entre le vote de classe aux élections et la condition sociale des électeurs aura rarement été aussi évidente qu’aujourd’hui. »

    Les gilets jaunes ont à cet égard joué un rôle essentiel. En mobilisant des gens de condition plutôt modeste, qui avaient en commun d’être les perdants de la mondialisation, ils ont provoqué dans la classe dirigeante une peur panique, qui explique la façon dont Emmanuel Macron a entièrement changé de méthode, abandonnant sa posture jupitérienne pour se faire chattemite, sans pour autant abandonner sa vision managériale de la société ni se doter d’un véritable enracinement social. Je crois avoir déjà qualifié le mouvement des gilets jaunes de « répétition générale ». Je le pense plus que jamais. Ce vaste mouvement populaire de protestation contre la relégation culturelle et géographique, politique, économique et sociale, est prêt à resurgir et à s’amplifier. Les mouvements sociaux qui se multiplient un peu partout en sont l’augure.

    Depuis Karl Marx, la notion de « classe ouvrière » a beaucoup évolué : l’artisan, le petit patron, l’auto-entrepreneur, les classes moyennes en voie de déclassement forment désormais une sorte de nouveau prolétariat.

    Dissipons tout de suite une équivoque : Marx n’est pas l’inventeur de la « lutte des classes » ! L’expression n’a même cessé d’être employée avant lui, notamment par Tocqueville et Guizot. La lutte des classes n’a jamais cessé, sinon qu’il y a des moments où les classes dominées sont plus conscientes de leur existence en tant que classe (c’est la classe « pour soi », par opposition à la classe « en soi ») qu’à d’autres moments. En revanche, il y a une différence, et elle est énorme : autrefois, c’étaient les classes dominantes qui s’affirmaient (formellement) conservatrices, alors qu’aujourd’hui, c’est dans les classes populaires que le désir d’enracinement et de valeurs partagées, l’attachement à la communauté nationale et le goût des traditions sont le plus répandus. Dans le passé, la guerre des classes a pu se confondre avec le clivage horizontal gauche-droite, mais ce n’est plus le cas. Tout véritable clivage de classe est un clivage vertical : le bas contre le haut, le peuple patriote contre les élites qui se sont déterritorialisées au même rythme que la machinerie du capital. Sans oublier que la gauche a « perdu le peuple » !

    Le résultat, c’est l’actuel clivage politique français : Emmanuel Macron assure la jonction entre bourgeoisie de droite et de gauche, tandis que Marine Le Pen semble en faire autant pour tous les laissés-pour-compte de la mondialisation. Y gagne-t-on en clarté ?

    Dans son livre, Jérôme Sainte-Marie montre à la perfection qu’au-delà de l’« archipélisation » dénoncée par Jérôme Fourquet, un vaste mouvement de polarisation est désormais à l’œuvre dans la société française (ce qui rejoint les observations de Patrick Buisson). Un « bloc populaire » est en train de se former face au « bloc bourgeois » créé par Macron – et c’est paradoxalement Macron qui a favorisé ce processus de radicalisation des différences sociales, car le regroupement des libéraux de droite et de gauche a eu pour effet, d’abord de déconnecter les conservateurs (tenants de la souveraineté nationale) et les libéraux (tenants de l’ouverture globale), ensuite d’éliminer les grands partis de gouvernement traditionnels. Mélenchon s’étant disqualifié depuis qu’il a renoncé au populisme pour revenir dans le giron de la « gauche morale », c’est le Rassemblement national qui en bénéficie. Le « plafond de verre » censé limiter la montée du vote RN a commencé à se désagréger et 63 % de ceux qui ont voté pour La France insoumise, aux dernières élections européennes, se disent maintenant prêts à voter pour Marine Le Pen au second tour d’une présidentielle qui l’opposerait de nouveau à Macron, contre 39 % seulement de ceux qui ont voté pour François-Xavier Bellamy. C’est un tournant de première grandeur.

    Le bloc élitaire et bourgeois d’Emmanuel Macron regroupe les très riches du CAC 40, les bobos, le personnel des grands médias et les cadres supérieurs enthousiastes de la mondialisation pour qui tout ce qui est « national » est dépassé. S’y ajoutent des retraités instinctivement portés à rejoindre le parti de l’ordre, sans voir que cet ordre n’est qu’un désordre établi qui ne les protégera pas de la montée du chaos. Cela ne fait, au total, qu’un Français sur trois. Socialement dominé, le bloc populaire est aujourd’hui démocratiquement majoritaire. Cette double polarisation explique aussi pourquoi l’« union des droites » est un mythe qui, dans le meilleur de cas, ne peut se réaliser qu’au niveau local : à terme, entre Macron et Le Pen, il n’y aura plus rien. C’est la raison pour laquelle, concernant la présidentielle de 2022, rien n’est joué. D’autant qu’on sait maintenant que la fabrique des présidentiables ne passe plus par les partis.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 30 novembre 2019)

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